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Disparition

Jean Daniel, une vie d’observateur

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Le cofondateur du «Nouvel Obs» est mort mercredi, à l’âge de 99 ans. Homme de lettres, passionné, curieux de toute nouveauté, il s’est engagé dans les bouleversements du journalisme et de la gauche qui ont marqué le siècle.
Dans son bureau au «Nouvel Observateur», en 1965. (Photo GAMMA RAPHO Keystone France)
publié le 20 février 2020 à 19h51

Pour nous, c’était «Jean», notre vivante statue du Commandeur, impérieux et conciliateur, orgueilleux et bienveillant, narcissique et paternel, éditorialiste supérieur et conteur né, figure historique au passé inépuisable, mais n’aimant que la dernière nouvelle, la dernière mode, la dernière idée, le dernier potin. Ecrivain, intellectuel, oracle souvent consulté par l’Elysée, Solférino, l’évêché, le Consistoire ou la mosquée de Paris, Luchini ou Depardieu, mais avant toute chose, curieux, étonné, candide expérimenté, amoureux du paradoxe, mesuré avec ferveur, pensant par principe contre lui-même : journaliste.

Quelques bribes de dialogue :

«Jean, nous avons l’interview du Premier ministre.

- Pourquoi pas celle du Président ?»

«Jean, nous avons appris que Mitterrand prépare une mesure qui fera parler.

- Oui, il me l’a dit hier.»

«Jean, la dernière phrase de votre édito est belle, mais nous ne la comprenons pas.

- Enlevez-la.»

«Jean, Nicolas Sarkozy parle d’identité et d’immigration. C’est du lepénisme à peine déguisé !

- Certes. Mais faire cohabiter des cultures différentes, c’est toujours une épreuve. Mon ami Lévi-Strauss me l’a toujours dit.»

«Jean, la faillite du régime Jaruzelski a créé des pénuries graves pour les Polonais. Nous pouvons lancer un appel.

- Oui, mais l’urgence, c’est que leurs noms sont imprononçables. Il faudrait d’abord leur envoyer un stock de voyelles.»

«Jean, vous partez