Le chiffre est encore inconnu. Combien de personnes ont-elles réellement été blessées par les forces de l'ordre lors de la manifestation des gilets jaunes, samedi 24 novembre, sur les Champs-Elysées ? Un bilan, très rapidement communiqué par le ministère de l'Intérieur, faisait état de 24 blessés. Ce décompte est probablement loin de la réalité. Depuis, de nombreuses personnes se font connaitre pour médiatiser leurs blessures.
Une arme est particuliérement mise en cause : la grenade GLI-F4. Cette munition, qui est composée d'une charge explosive de 25 grammes de TNT et de gaz lacrymogène, a déjà fait plusieurs blessés graves, qui ont eu une main ou un pied arraché par l'effet de souffle. Dans un courrier daté du 30 novembre, que Libération s'est procuré, un collectif d'avocats, qui défend plusieurs «gilets jaunes» certainement touchés par ces grenades le 24 novembre, appelle le ministre de l'Intérieur à cesser leur usage en vue de la nouvelle mobilisation prévue ce samedi. Voici leur message.
En Belgique, le 20 novembre, un étudiant demandait au président de la République pourquoi la France était le seul pays à utiliser des grenades contre sa population. Emmanuel Macron lui répliquait vertement qu’il disait «n’importe quoi».
Pourtant, à ce jour, rien n’est plus vrai que la remarque de cet étudiant. La France est en effet le seul pays de l’Union européenne à utiliser des grenades GLI-F4, relevant de la catégorie des armes à feu, dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre.
Cette spécificité française, a été affirmée sans détour dans un rapport commun de l'IGPN et de l'IGGN dès 2014, que le président de la République fait aujourd'hui mine d'oublier : «L'étude d'exemples pris dans les pays voisins a permis de confirmer la spécificité française, seule nation d'Europe à utiliser des munitions explosives en opération de maintien de l'ordre […].»
Et dans les faits, des grenades explosives, et plus particulièrement la GLI-F4, grenade lacrymogène instantanée qui comporte une charge explosive de 25 grammes de TNT, sont bien utilisées en France contre les foules, et ce malgré le risque de blessures mortelles identifié par le rapport.
Si l’on pense, d’abord, à Rémi Fraisse tué à Sivens par une grenade offensive «F1», dont l’usage a, de ce fait, été interdit, il faut désormais également penser à tous ceux qui, depuis, ont été blessés ou mutilés par l’explosion des grenades GLI-F4 encore en service : Robin dont le pied a été déchiqueté à Bure en mai 2017, Maxime qui a perdu une main à la ZAD en avril dernier, mais aussi Corentin, Hortense, Jean, Marie Astier (journaliste), Cyril Zannettacci (photographe), mutilés aux mains, pieds et bras lors de ces mêmes opérations d’expulsion. Liste noire à laquelle il faut, depuis samedi dernier, ajouter Gabriel dont les doigts ont été arrachés sur les Champs-Elysées, mais aussi Ulrich et Antonio gravement blessés par l’explosion de GLI-F4 alors qu’ils participaient à ce même rassemblement des «gilets jaunes» au cours duquel plusieurs milliers de grenades explosives ont été tirées.
Alors que depuis 2016, tant le Défenseur des droits que l’Association chrétienne pour l’abolition de la torture (ACAT) tirent le signal d’alarme quant au recours à ces armes à feu, l’Etat persiste à recourir massivement à ces grenades explosives au risque assumé de mutiler voire de tuer.
A l'approche de la mobilisation du samedi 1er décembre à laquelle l'Etat a prévu de répondre par un dispositif de sécurité hors norme, nous, avocats de personnes blessées, demandons instamment à ce qu'il soit renoncé à l'usage de ces armes avant qu'un mort ne vienne justifier son interdiction. Nous vous prions de croire, monsieur le ministre de l'Intérieur, à l'expression de nos salutations les plus respectueuses.»
Arié Alimi, William Bourdon, Chloé Chalot, Raphaël Kempf, Céline Mokrane, Aïnoha Pascual