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À chaud

La publicité sur l'alcool revisitée par les députés

La commission spéciale sur la loi Macron a voté dans la nuit, contre l'avis du gouvernement, un assouplissement de la loi Evin.
Les députés souhaitent développer les événements organisés autour de dégustations, de visites de caves ou de campagnes œnotouristiques. (© Magnetcreative /Istockphoto.com/Photo Magnetcreative /Istockphoto.com)
publié le 11 juin 2015 à 13h17

Coup de canif dans la loi Evin. Dans la nuit de mercredi à jeudi, les députés de la commission spéciale chargée d’examiner en deuxième lecture le projet de loi Macron ont, contre l’avis du gouvernement, entériné la version sénatoriale de la publicité sur l’alcool.

Une quasi-provocation à l'endroit de la ministre de la Santé, Marisol Touraine. Laquelle, dans la foulée du porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, avait dès lundi matin sur les ondes fait un casus belli d'une telle retouche à la loi Evin : «La loi Macron ne peut servir à détricoter les politiques de santé publique», s'était-elle insurgée. Après quelques tergiversations de cabinet, le tandem exécutif s'était rangé à son avis, enjoignant en fin d'après-midi le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, à réaffirmer l'opposition du gouvernement aux velléités des parlementaires issus pour la plupart de circonscriptions viticoles de clarifier la notion de publicité sur l'alcool.

C’était sans compter la détermination des élus à lever ce qu’ils considèrent être un obstacle à la promotion d’une activité structurante pour leurs économies locales. A deux heures du matin, la quinzaine de députés présents en commission, toutes étiquettes confondues, ont voté à une écrasante majorité l’évolution législative qu’ils appelaient de leurs vœux : seules les opérations de communication sur un produit ou un service relevant d’un intérêt privé doivent être considérées comme de la publicité pour l’alcool.

«Développement de l’œnotourisme»

«J'étais à la manœuvre, reconnaît Gilles Savary, député PS de Gironde et rapporteur du projet de loi Macron. Contrairement à ce que veulent faire croire les intégristes du lobby sanitaire, nous ne sommes pas des écervelés, prisonniers de je ne sais quel lobby. Ce dont il s'agit, c'est d'une évolution très marginale de la loi Evin.» Pour les députés, faute de définition légale précise de la publicité sur l'alcool, la jurisprudence (notamment un arrêt de la Cour de cassation du 30 novembre 2004) en a donné une acceptation très large.

«Toute référence dans un article ou un reportage à une boisson alcoolisée, même à titre générique, peut être assimilée à une publicité», précise Denys Robiliard, autre rapporteur PS favorable à la modification. Il ajoute : «En pratique, les poursuites sont rares. Néanmoins, le risque existant, cela génère de l'autocensure dans la presse.» Et donc, de l'avis des élus, une trop faible couverture d'événements organisés autour des dégustations, des visites de caves ou des campagnes œnotouristiques. «Or, le gouvernement lui-même rivalise d'encouragement au développement de l'œnotourisme…» glisse Gilles Savary.

«Un coup dur porté à la santé publique»

Seul député à s'être élevé contre en commission, le socialiste Dominique Lefebvre s'insurge : «J'étais conseiller social de Michel Rocard [à Matignon] au moment de la loi Evin et là je me suis retrouvé vingt-quatre ans en arrière parce que c'est exactement le même débat, dans les mêmes termes. Cet amendement ouvre une brèche qui, au-delà du symbole, permettra demain, par des formes de publicité rédactionnelle indirecte, de faire la promotion de produits nocifs pour la santé publique quand ils sont consommés avec excès.»

Un avis partagé par Marisol Touraine. Apprenant la nouvelle, jeudi, au Congrès de la mutualité, la ministre a vivement réagi. «Je suis en colère, a-t-elle dit. Le vote de cette nuit est un coup dur porté à la santé publique. Je veux rappeler que la loi Evin permet depuis trente ans d'encadrer et non pas d'interdire la publicité pour l'alcool. Cet équilibre entre les intérêts de santé publique et les intérêts économiques fonctionnait bien. Il ne fallait pas y toucher.»

Pas question donc pour la ministre de la Santé d’en rester là. Pour autant, même si le gouvernement a le pouvoir de déposer un amendement de suppression de l’article 62 ter incriminé, l’entourage de Touraine confie que la partie n’est pas gagnée. L’arbitrage final appartiendra à François Hollande, dont l’agenda comprend quelques étapes vinicoles. A commencer par l’inauguration du salon international des vins et des spiritueux, Vinexpo, dimanche à Bordeaux.