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Billet

Apprendre à attendre

publié le 29 janvier 2021 à 17h26

La lactofermentation est un phénomène vieux comme le monde qui a la cote en cuisine : vous faites macérer des légumes dans du sel ou dans une saumure, en l'absence d'air. La fermentation qui s'ensuit transforme les glucides en acide lactique qui va flinguer les bactéries responsables du pourrissement. C'est ainsi que l'on se régale en hiver de choucroute. Portée par des stars de la gastronomie comme René Redzepi, chef du Noma à Copenhague, la lactofermentation donne lieu à une abondante production éditoriale. Voici les Invisibles commis par Luna Kyung (1). Autrice et consultante en gastronomie, cette Sud-Coréenne est spécialiste du kimchi et de la fermentation alimentaire, sur laquelle elle écrit : «Ici, la patience est synonyme de passion, et la mesure et le silence se substituent à l'active effervescence et à l'immédiateté de la cuisine.» On ne souhaite à personne d'être enfermé durant sept ans comme ses gousses d'ail dans un bocal, mais franchement quel éloge de la patience et du temps qui passe que sa recette d'ail fermenté baptisée «Sept Ans de mûrissement», qui se déguste à l'apéro et en condiment (2). Avec des têtes d'ail, du vinaigre, du sel, de l'eau claire et un bocal, Luna Kyung nous éclaire sur une forme de confinement qui n'a rien d'une punition quand la nature s'en mêle pour le meilleur des papilles. Elle recommande de laisser vieillir son ail fermenté en cave, comme un bon vin qui offre le meilleur quand on lui laisse le temps. Même constat parmi certains (bons) vignerons : sans pression commerciale à vendre, il laisse leurs quilles vieillir sans manquer de temps.

En ces jours brouillés, cet ail de sept ans nous invite à lever le pied. Grand bien nous fasse.

(1) Les Invisibles, éd de l'Epure, 8 €.
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