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TRIBUNE

Si tu n’es pas toi, qui ? Si pas maintenant, quand ?

par Isabelle Delannoy, cofondatrice de Do Green, auteure et théoricienne de l’économie symbiotique.
publié le 23 août 2020 à 15h06
(mis à jour le 23 août 2020 à 17h06)

Conférence dans une école. Un garçon demande à Yann Arthus-Bertrand : «Monsieur, c’est quand la fin du monde ?» Interloqué, le photographe demande aux autres enfants si eux aussi croient en la fin du monde. 70 % des bras se lèvent. Cette anecdote relatée par Laure Noualhat dans son dernier livre (1) montre la toile de fond de l’interrogation sur le sens de nos sociétés et l’angoisse immense tapie dans le silence.

Deux mois de confinement et d’arrêt de l’économie ont fait naître d’intenses réflexions dans nos foyers, sur les réseaux et dans la presse entre un monde d’avant et un monde d’après. Le retour à un monde d’avant est illusoire : le Covid montre que l’économie actuelle n’est pas résiliente face aux chocs. Elle s’écroule. L’incantation pour un monde d’après est aussi illusoire. Car incanter n’est pas agir mais attendre. Comme le dit le philosophe Alain, «le secret de l’action, c’est de s’y mettre». Notre secret est d’agir sur le présent pour un monde différent de celui d’avant.

Ce présent sur lequel nous pouvons agir est déjà là. Des milliers d’acteurs ont déjà entrepris selon leurs valeurs et leurs convictions. Ils ont à cœur la régénération de ce à quoi ils tiennent : leur lieu de vie, les gens avec qui ils travaillent et leur planète. Ils sont agriculteurs, énergéticiens, fabricants de smartphones et d’ordinateurs, d’automobiles, ils sont commerçants, ils sont maires, ils sont publicitaires, ils sont financiers. Ils forment une économie régénérative qui concilie deux choses qui nous semblaient contradictoires : le respect et l’amour que nous portons au vivant et notre volonté d’avancer et de faire grandir ce monde pour le bien de tous. Parce que c’est une économie de réseau et d’écosystèmes, cette économie permet d’agir chacun à son échelle, du bas de chez soi à celle du monde. Utilisons les outils de cette économie du présent pour enclencher la même solidarité que celle qui a sauvé des vies, sauvons ces entreprises que l’on aime et qui font la vie de nos quartiers.

En 2016 à Aurillac, la librairie La plume violette s’est sauvée de la mort en mobilisant ses clients pour un refinancement participatif via une plateforme comme Ulule, Kisskissbankbank ou Tudigo. Ces plateformes permettent de financer la création d’un projet ou de sauver de la difficulté les artisans par le don-récompense. Vous aussi, boulangers, bouchers, modistes, bistrotiers, restaurateurs, agriculteurs, nous vous en prions, emparez-vous des outils de cette économie régénérative pour que nous, vos clients, amoureux de vos lieux et de vos produits, puissions vous sauver !

Il y a 60 milliards dans nos poches, 60 milliards de ce qu'on appelle «l'épargne forcée» des Français que ces deux mois de confinement ne nous ont pas permis de dépenser. Tu nous offriras une brioche ou notre café demain matin. Et si ce n'est pas demain ce sera quand tu pourras. Tiens, mieux que cela : organise-nous une fête de quartier, tu nous paieras la première tournée ! Et j'espère bien que M. ou Mme le maire - du village, de la ville, de l'arrondissement - sera de la partie. On a dix mille choses à lui proposer pour faire ensemble l'économie qu'on aime, une économie symbiotique où, parce que tu te développes, nous nous développons.

(1) Comment rester écolo sans finir dépressif (éditions Tana, 2020).