Il y a bientôt quinze ans, un petit oiseau bleu s’est posé sur notre épaule. Un oiseau avec un très joli nom, Twitter. Mignon comme tout avec son bec délicat, son aile qui prend le vent, son profil angélique, innocent. Et le bleu de son plumage, un bleu si doux. Un oiseau aux piaillements adorables, tweet par-ci, tweet par-là. Quel joli son. Et c’est vrai que grâce à son chant de 140, puis 280 caractères, on a fabriqué des ponts, des liens. On est passés par-dessus les barreaux, par-delà les barrières, les frontières. Grâce à lui, on se rendait compte qu’on n’était pas seuls, on se fédérait, on s’encourageait. Serviable, le petit oiseau.
Seulement, le volatile plut beaucoup aux femmes et aux hommes politiques, aux journaux, aux radios, aux télévisions, à presque tous les médias du monde, qui en firent leur unique horizon. Ils aimaient son chant. Si bien que, très vite, l’oiseau parvint à donner l’illusion à ceux qui le fréquentaient que son monde était LE monde. Désormais, tous ceux qui avaient fait profession de gouverner ou d’informer voulaient tout savoir de ce qui s’y passait. Ils reprenaient tout ce qui s’y disait. Du moindre tweet, ils faisaient une Une. Du plus petit retweet, ils faisaient un scoop. Sans s’en rendre compte, ils se prosternaient, un peu plus chaque jour, devant l’oiseau. Baissant la tête, courbant l’échine. Pour eux, non seulement le volatile bleu disait LE monde, mais désormais l’oiseau était aussi leur Dieu, leur maître. Comme des oisillons désorienté