Menu
Libération
logo libePlus
Contenus sponsorisés

Randonnée : le long des sentiers, les bénévoles couvent la voie

Pots de peinture, machette ou sécateur à la main, les 9 000 volontaires de la Fédération française de randonnée entretiennent avec soin les chemins, dans l’ombre des amateurs de marche en nature.

Le 19 juin 2025. Sur un sentier en Corrèze. Sur la photo: Gérard Chalmel 74 ans retraité de la RATP et baliseur, refait le marquage sur le sentier.
Contenu proposé
Par
Flo Desloires
Chef de produit
Publié le 03/07/2025 à 10h31, mis à jour le 03/09/2025 à 10h22

Alain Degroedt, retraité des opérations militaires extérieures, sort de son sac un coupe-coupe pour trancher d’un coup sec les ronces qui grimpent sur le poteau.«Si on laisse faire, d’ici quelques semaines, on ne verra plus l’autocollant.»Après avoir montré la vue sur le château de Turenne, en Corrèze, en haut d’une colline à quelques kilomètres de là, il range la machette pour nous entraîner un peu plus bas sur le chemin de grande randonnée du Midi corrézien. A une centaine de mètres, devant un poteau de téléphone, il dégaine deux pots de peinture. Du rouge et du jaune, qui sont appliqués d’un coup de pinceau rapide sur les anciennes traces déjà présentes.

Dans un sens puis dans l’autre, Alain Degroedt passe trois ou quatre journées chaque année à entretenir cette portion d’une dizaine de kilomètres de sentier autour du village de Noailhac. Il est toujours accompagné d’Annette Mahieu, son binôme de balisage. Originaire du Pas-de-Calais, cette retraitée du secteur médical estime faire sa «bonne action» aux côtés de l’ex-militaire. «On aide les gens à trouver leur chemin, c’est bien de savoir où on va», philosophe-t-elle. Elle y repense maintenant : son engagement est peut-être lié à ce souvenir d’une marche avec son mari, il y a plus de vingt ans, lorsqu’ils s’étaient perdus sur les chemins côtiers du Nord, et qu’ils avaient dû appeler l’hôtel pour qu’on vienne les chercher. Un moment désagréable, qu’elle et les 9 000 autres baliseurs du pays épargnent à l’ensemble des randonneurs.

Nettoyer la mousse

Le balisage est pour Annette une occasion de marcher et surtout de rire avec Alain, même si celui-ci refuse de prêter sa machette. Pour se venger, elle s’est d’ailleurs acheté sa propre ceinture de cuir afin d’y glisser ses outils : la brosse pour nettoyer la mousse qui cache les marques sur les troncs, le sécateur, les pinceaux. «Avec de bonnes chaussures évidemment, et un pantalon aussi, pour ne pas se faire piquer par les orties.» Un uniforme qu’il faut ressortir plusieurs fois entre mai et juillet, alors que chaque pluie atténue les marques et fait pousser les broussailles.

Alain désigne, dégouté, un petit triangle de plastique jaune cloué sur un arbre signalant un circuit de VTT :«Nous, on ne fait jamais ce genre de choses.»Pas de clous dans les arbres, pas d’autocollant sur des boîtes aux lettres ou poteaux privés : il rappelle ces bases à la douzaine de baliseurs qu’il forme chaque année en Nouvelle-Aquitaine. Il insiste aussi sur les couleurs de la signalétique : rouge et blanc pour les grands chemins de randonnée (GR) qui peuvent traverser plusieurs régions, jaune et rouge pour les grande randonnée de pays (GRP), boucles d’une centaine de kilomètres. Et que ce soit sur le GR ou les GRP, insiste-t-il, les marcheurs doivent trouver tous les 200 à 300 mètres une marque à la fois discrète et visible pour indiquer le chemin.«Pour motiver les baliseurs, je leur explique toujours qu’il s’agit de l’unique représentation physique de la Fédération de randonnée.»

Les baliseurs doivent aussi surveiller de près les tentatives de privatisation des chemins, de plus en plus fréquentes. Dans les forêts de Haute Corrèze, notamment là où les résineux ont remplacé les feuillus pour augmenter la rentabilité, certains forestiers posent parfois des panneaux pour interdire le passage. Tout comme des agriculteurs ou des particuliers, inquiets du passage des randonneurs en bas de leurs champs et de leurs jardins, qui n’hésitent pas à installer des barrières.

«Un peu de reconnaissance»

Pour que les 115 000 kilomètres de sentiers du pays restent praticables, c’est bien la Fédération française de la randonnée, et ses comités départementaux, qui encadrent le travail des volontaires. La Corrèze est par exemple divisée en huit secteurs, dont chacun des responsables peut compter sur une dizaine de baliseurs répartis en binômes. Chaque binôme se voit alors confier une portion des grands chemins qui sillonnent le département, comme la voie de Rocamadour du chemin de Saint-Jacques, le GR46, ou les différents GRP. «En février ou mars, j’envoie à chacun une lettre de mission qui détaille la portion dont il a la charge. Et puis, en fin d’année, on fait un bilan pour vérifier que tout a été fait. On en profite pour organiser un repas, c’est important pour les gens d’avoir aussi un peu de reconnaissance», souligne Denis Okupny, responsable du balisage pour la Corrèze.

Si l’accueil est généralement plutôt bon sur les chemins, les baliseurs volontaires peuvent aussi être parfois chahutés. Jean-Pierre Arnould, responsable d’une équipe de balisage corrézienne, se souvient de s’être fait traiter de voleur de poules. Des automobilistes, rapporte-t-il, ont aussi pris un jour l’un de ses collègues armé de pinceaux pour un cambrioleur en cours de repérage. «On prend le temps d’expliquer ce qu’on fait, et parfois j’en profite même pour essayer de recruter», glisse Jean-Pierre Arnould.

Chacun peut d’ailleurs participer à l’entretien des chemins en adhérant à une association de marche et en s’inscrivant dans les formations régionales proposées par la fédération. Mais en Corrèze comme ailleurs, cet engagement est plutôt prisé par les retraités, qui représentent 80 % des baliseurs. «Il faut du temps, et les gens qui travaillent ou ont des jeunes enfants n’en n’ont pas forcément», regrette Alain Degroedt.

«Abandonner certains chemins»

Selon les estimations du comité corrézien, ce travail des volontaires ferait économiser près de 40 000 euros au département chaque année. Une facture qui s’ajouterait, si elle était confiée à des entreprises, au gros entretien sur les chemins. Car si les baliseurs coupent les ronces et les petites branches, ce sont les communes qui assurent l’élagage des grands arbres ou les opérations lourdes de débroussaillage. Pour les 250 kilomètres de sentiers de l’agglomération de Brive-la-Gaillarde, qui accueille le GRP du Midi corrézien, la facture s’élève à 250 000 euros chaque année. «Peut-être qu’il faudrait abandonner certains chemins : un chemin qui s’embroussaille, c’est que les gens n’y passent pas assez», glisse Yves Gary, élu en charge du tourisme de l’agglomération et maire de Turenne.

Le manque de fréquentation, reconnaît l’édile, tient parfois au manque d’infrastructures. Dans l’ouest du GRP du Midi corrézien notamment, les gîtes restent rares et les marcheurs se concentrent donc autour des villages touristiques. Le comité départemental de la randonnée planche actuellement sur une «topocarte» dédiée au chemin, qui recensera l’ensemble des hébergements et restaurants. Un outil qui, espèrent les baliseurs, permettra d’encourager les marcheurs à s’aventurer plus loin dans le département, et de développer les projets pour les accueillir.

Libé+ est la régie publicitaire de Libération. La rédaction de Libération n'a pas participé à la conception et à la réalisation de ce contenu.

logo libePlus

logo libePlus
Contenus sponsorisés
test article POC 1 - 27/02/2023

Contenu proposé par Damien Herpe

La rédaction de Libération n'a pas participé à la conception et à la réalisation de ces contenus.
Voir tous les contenus sponsorisés