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Procès

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Flics «ripoux» ou «cow-boys» peu regardants avec les procédures? Le procès de 18 ex-policiers de la brigade anticriminalité Nord de Marseille auscultera les méthodes de ces hommes poursuivis pour vols de drogue, d’argent ou de cigarettes sur des dealers et revendeurs des cités.
La BAC Nord en opé en 2006 (Patrick Gherdoussi)
par Stéphanie Aubert, Correspondante à Marseille et AFP
publié le 12 avril 2021 à 14h43

Sur les grands écrans, BAC Nord, inspiré de ce dossier qui a défrayé la chronique policière, devait sortir le 23 décembre. Covid-19 oblige, la version judiciaire précèdera le film, à partir de lundi, devant le tribunal correctionnel de Marseille, jusqu’au 22 avril. Neuf ans après les faits. Forte de 70 policiers, la BAC Nord, chargée notamment de lutter contre les trafics de stupéfiants, ce cancer des cités déshéritées de la cité phocéenne, était alors la meilleure de France, avec plus de 4 000 interpellations par an.

Si des dealers se plaignaient régulièrement d’être rackettés par des policiers, ce sont les accusations de deux anciens de la BAC Nord qui vont jeter une lumière crue sur cette unité et notamment ses trois groupes de jours, alors commandés par Jean Fiorenti, 41 ans, Mohamed Chenine, 36 ans, et Bruno Carrasco, 51 ans. Prélèvements sur les gains des dealers, mais aussi sur leurs marchandises, vols des cigarettes de contrebande saisies sur les revendeurs à la sauvette : «Tout y passe», accuse en octobre 2012 le procureur de Marseille Jacques Dallest, confiant son «sentiment qu’une gangrène a touché ce service».

L’instruction, conclue en juin 2019, stigmatise elle «la réalisation systématisée d’infractions pénales, […] chaque opération devenant en réalité prétexte soit à l’attribution de produits en vue d’une éventuelle rémunération d’informateurs officieux, soit à un enrichissement personnel.» Sur écoutes, sur leurs téléphones, ou surveillés dans leurs bureaux et leurs voitures, «sonorisés» de mai à octobre 2012, certains policiers se laissent aller : «On commence à avoir un bon petit groupe, où on sait qu’on ferme nos gueules. Ce qui se dit dans la voiture, ça reste dans la voiture», lâche l’un d’eux.

Perquisition «à la mexicaine»

Il y a aussi cette sacoche contenant «plus de 2 500 euros», volée à un dealer de la cité des Rosiers, qui permet de «régaler cinq collègues». Cette perquisition illégale, «à la mexicaine», dans un appartement, où quatre policiers échouent sur le fil à voler 2 000 euros de marchandise. Ce «gitan», selon leurs mots, à qui ils «piquent un peu de pognon», «ça c’était marrant !». Ou encore cet homme, «Algérien d’Annaba», contraint de remettre les cigarettes qu’il comptait vendre : «Il est dépité parce que j’ai bouffé son bénéfice !», raille l’un d’eux.

Une seule victime devrait être là lundi. Interpellé le 31 août 2012, cité Fontvert, à bord d’une Audi A3, en possession de cocaïne, de haschich et de milliers d’euros en petites coupures, Karim Menacer est emmené à la brigade des stupéfiants. Quand l’argent est compté, il y a 27 000 euros. Loin des 36 000 euros qu’il aurait détenus lors de son arrestation par Jean Fiorenti et trois de ses collègues. La défense compte sur les interrogatoires des prévenus pour ramener cette affaire à ce qu’elle considère comme sa juste proportion.

«Ce dossier, c’est la montagne qui accouche d’une souris, la baudruche va se dégonfler», a assuré auprès de l’AFP Me Frédéric Monneret, avocat de deux policiers, en rappelant qu’au cours de l’instruction ont été abandonnées la circonstance aggravante de «bande organisée» ainsi que les poursuites pour «violences volontaires». «De la gangrène, on est passé au rhume des foins», ironise Me Alain Lhote, avocat de M. Carrasco : «Certes, ils avaient une réputation de cow-boys, mais de là à démontrer une infraction pénale !»

Revenant sur leurs propos enregistrés, les prévenus parlent aujourd’hui de «plaisanteries», «de gros délires», de «propos humoristiques». Et s’ils n’ont pas toujours respecté les procédures, c’est sous la pression de la politique du chiffre de leur hiérarchie, ou pour rémunérer des «indics», se défendent-ils. Parmi les 18 prévenus, qui comparaîtront tous libres, trois ont été révoqués après l’enquête de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), dont M. Carrasco. Les autres ont écopé d’exclusions temporaires ou de blâmes.

BAC Nord, sortie prochainement. 1h 44min. Thriller de Cédric Jimenez avec Gilles Lellouche, Karim Leklou, François Civil (note technique en H6)