Londres et Paris ont signé, le 10 juillet, une déclaration dans laquelle ils affirment qu’«il n’existe de menace extrême contre l’Europe qui ne susciterait pas de réponse» nucléaire conjointe. Les deux seuls pays européens dotés de l’arme nucléaire (290 ogives pour la France, dont 280 déployées, 225 pour le Royaume-Uni, dont 120 déployées) tirent ainsi la leçon du retrait américain du Vieux Continent et du retour de la menace russe que le général de Gaulle avait anticipés dès 1959 : «Qui peut dire si, dans l’avenir […], les deux puissances qui auraient le monopole des armes nucléaires ne s’entendraient pas pour partager le monde ?»
Libération a demandé à l’un des meilleurs connaisseurs français de la dissuasion, l’amiral Bernard Rogel, son analyse de cet accord historique.
L’ancien commandant de sous-marins nucléaires d’attaque et des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins l’Indomptable et l’Inflexible, qui a ensuite dirigé l’état-major de la marine (2011-2016) avant de terminer sa carrière comme chef de l’état-major particulier du président de la République (2016-2020),
est l’auteur d’Un marin à l’Elysée, des sous-marins nucléaires au bureau du Président (Editions Tallandier, 2023). Selon lui, la déclaration de Londres et Paris franchit «un cran» politique. Mais pour que l’on puisse vraiment parler d’une extension du parapluie nucléaire franco-britannique à l’Europe, il faudra négocier un «contrat politique» avec les pays européens afin qu’ils «perçoivent comme telles les garanties que nous apporterons».