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Non, les migrants ne bénéficient (toujours) pas d'une carte bleue avec 1 200 euros par mois

Une intox de 2016 continue de tourner sur une carte de débit réservée aux demandeurs d'asile. (Lien signalé sur Facebook).
Des demandeurs d'asile pendant l'évacuation de leur campement, mercredi à Aubervilliers. (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT/Photo Christophe Archambault. AFP)
publié le 29 juillet 2020 à 15h43

Le fantasme de la «carte bleue des migrants» circule depuis plusieurs années. Selon l'extrême droite, les migrants auraient en effet droit à une carte bleue leur permettant de bénéficier de liquidités importantes, jusqu'à 40 euros par jour soit 1200 euros par mois. CheckNews et Libération ont consacré plusieurs articles à ce sujet, terreau de nombreuses intox, depuis 2016.

Dans une publication partagée plusieurs milliers de fois depuis le début du mois sur Facebook (1), un internaute assure cette fois : «Voici ce qu'une fonctionnaire de police a eu la surprise de trouver sur deux individus interpellés en flagrant délit de vol de véhicule. Une jolie carte bleue délivrée par le ministère de l'Intérieur permet aux demandeurs d'asile de retirer 40 euros par jour (x30 = 1 200 EUR/mois). Nous laissons le soin d'apprécier et de diffuser l'info. Et d'imaginer ce que cela coûte aux contribuables Français !! Dire qu'il y a des gens qui ont bossé toute leur vie et qui touchent bien moins que ça à la retraite !!»

Notons que c’est exactement la même photo que celle qui était partagée par l’ex-député européen RN Bernard Monot en 2016 (il a depuis quitté le parti) qui illustre cette publication.

Qu'est-ce que cette carte ? Comme l'a déjà expliqué CheckNews, il s'agit d'une carte réservée aux demandeurs d'asile qui existe depuis mars 2016. Il s'agissait au départ d'une carte de débit, permettant trois puis cinq retraits d'espèces par mois. Depuis novembre 2019, elle permet uniquement les paiements, et non plus les retraits.

Conformément aux textes internationaux, les demandeurs d'asile (qui n'ont pas le droit de travailler pendant six mois) reçoivent une aide, le temps de l'examen de leur demande. Comme le remarque le Défenseur des droits dans un avis rendu le 10 juillet, cette allocation constitue souvent le seul revenu dont ils disposent. Il s'agit de l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA).

Pour l’obtenir, le demandeur d’asile doit être majeur, et ses revenus ne doivent pas être supérieurs au revenu de solidarité active (564,78 euros pour une personne seule). Le montant de l’ADA varie selon le nombre de personnes constituant le foyer et des conditions de logement. Pour bénéficier de 40 euros par jour comme décrit dans la publication Facebook, il faut que la famille compte neuf personnes et qu’aucune solution de logement n’ait été proposée. Une personne seule n’a droit qu’à 6,80 euros par jour.

Au départ, cette carte a été créée pour faciliter les versements de cette allocation aux demandeurs d'asile, ces derniers disposant rarement d'un compte bancaire pour recevoir des virements. L'association la Cimade a dénoncé par ailleurs pendant le confinement des dysfonctionnements liés au passage de la carte de débit à la carte de paiement. Et le Défenseur des droits relève à propos de cette réforme de novembre 2019 que «la réforme de la carte ADA, alors qu'elle est présentée comme étant réalisée dans l'intérêt des demandeurs d'asile, leur est en réalité très préjudiciable, au point d'affecter lourdement leur quotidien» et appelle dans sa décision du 10 juillet à mettre en place «un système mieux adapté à la situation des demandeurs d'asile à savoir une carte mixte ou la possibilité de versement sur le compte bancaire du demandeur s'il en détient un ou en espèces à défaut».

Par ailleurs, comme l'a déjà expliqué CheckNews, un retraité ne touche pas moins qu'un demandeur d'asile. Les retraités les plus démunis peuvent en effet bénéficier de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), qui leur permet de toucher (selon leurs autres sources de revenus) jusqu'à 903,20 euros par mois.

(1) Pour lutter contre les fake news, Facebook a mis en place un partenariat avec cinq fact-checkers français (dont Libération). Des articles très partagés sur les réseaux sociaux et signalés par des utilisateurs sont vérifiés par les médias français.