Question posée par dam le 01/04/2020
Bonjour,
Alors que la France a dépassé, depuis mardi 1er avril, les deux semaines de confinement, d'aucuns s'étonnent de ne voir aucune amélioration de la situation sanitaire dans le pays, que ce soit au niveau des entrées en réanimation, ou des décès. Et ce, malgré une période d'incubation communément admise, pour le Covid-19, de 2 à 14 jours, soit en moyenne une semaine.
Jérôme Salomon, s’en était expliqué, lundi 30 mars. Il avait détaillé les différentes étapes de l’infection conduisant à ce décalage entre la mise en place du confinement et l’impact sur la situation sanitaire.
«Nous avons un indicateur très important, qui n’est pas celui des morts, pas celui des cas confirmés, mais celui des arrivées en milieu hospitalier, qui reflète des contaminations intervenues environ 15 jours avant. Vous avez été contaminés juste avant la mise en place du confinement, vous avez à peu près une semaine d’incubation, vous commencez à être malade, vous êtes éventuellement moins bien, et c’est à partir de ce moment que vous allez vous adresser à l’hôpital […]. Donc 15 jours après cette contamination, on observe notamment le passage en réanimation. C’est l’impact de l’épidémie, mais c’est aussi le reflet de cette fameuse évolution que nous devrions voir d’ici la fin de la semaine, qui est liée au fait que le confinement devrait réduire considérablement le nombre de contacts. […] A partir de cette fin de semaine, on devrait avoir moins de personnes qui arrivent à l’hôpital, et notamment qui arrivent en réanimation.»
Il s'écoulerait donc une semaine, en moyenne (et parfois plusieurs jours de plus), entre la contamination et l'arrivée des symptômes, puis une semaine encore avant l'éventuelle hospitalisation. Le confinement ayant eu lieu il y a plus de quinze jours maintenant, la situation à l'hôpital, tout en restant tendue, pourrait donc, en moyenne sur la France, commencer à s'éclaircir. Ce qui ne signifie pas que les indicateurs vont baisser du jour au lendemain pour autant. L'APHP, pour sa part, s'attend ainsi à un «plateau» - qui devrait durer plusieurs jours - vers lundi, selon le Parisien. Dans le Grand-Est, la tension, extrême jusque-là, paraît un peu redescendre depuis quelques jours, selon l'Express. Une situation en très légère amélioration, qui commence à se traduire dans les chiffres.
A commencer par le nombre de nouveaux cas confirmés chaque jour. Aussi imparfaite qu’elle soit, car dépendant du nombre de tests réalisés, cette donnée, malgré un sursaut le 31 mars, semble se stabiliser depuis quelques jours déjà.
Si l’on regarde l’Italie, on aperçoit également un plateau des contaminations une grosse dizaine de jours après le confinement.
Concernant le nombre quotidien de nouvelles hospitalisations, un indicateur fiable de la propagation de l’épidémie, celui-ci n’a pas été rendu public en tant que tel. Il est toutefois possible de le reconstituer à partir des chiffres cumulés d’hospitalisés, de décès et de guéris, livrés chaque soir par la direction générale de la santé. Et cet indicateur, essentiel pour les hôpitaux, paraît également amorcer un - fragile - plateau depuis quelques jours. Sans aucune promesse, cependant, sur un début de décrue.
Si la tendance - qui reste à confirmer - semble donc se stabiliser sur le front des contaminations et, en moyenne sur la France, pour les nouvelles hospitalisations, qu’en est-il du nombre d’entrées en réanimation et du nombre de décès?
Concernant les entrées en réanimation, Jérôme Salomon avait suggéré jeudi une légère décrue, évoquant 382 entrées contre 452 mercredi, 458 mardi, et 475 lundi. Problème : l'affirmation était basée sur une mauvaise lecture des statistiques. Contrairement à ce que le directeur général de la santé avançait alors, les données qu'il citait - pour être exactes - ne correspondaient pas au nombre de nouveaux entrants, chaque jour, en réanimation, mais au nombre de lits supplémentaires occupés chaque jour en réanimation, résultant du solde entre les nouveaux entrants d'une part, et le nombre des décédés et des sortis de réanimation d'autre part. Selon le dernier bulletin épidémiologique de Santé publique France (qui s'arrêtait au 31 mars), il y a en fait eu 543 nouvelles admissions en réanimation de patients Covid-19 le 29 mars, 694 le 30 mars, et 767 le 31 mars.
Vendredi soir, lors de son point quotidien, Jérôme Salomon, suite à notre interpellation dans l’après-midi, s’est corrigé, et a donné pour la première fois le nombre d’admissions nouvelles en réanimation : 641 vendredi, contre 729 la veille. Une chiffre qui était, samedi, de 502. Ces données semblent indiquer là aussi une légère baisse du nombre de nouvelles entrées chaque jour.
Quant au nombre de morts en milieu hospitalier, s'il avait augmenté vendredi, avec 588 décès supplémentaires sur les dernières 24 heures -un record depuis le début de la crise sanitaire-, il a baissé samedi, avec 441 décès. Un niveau encore élevé. Ce qui est logique : si près de deux semaines séparent la contamination de l'éventuelle hospitalisation, il s'écoule encore plusieurs jours avant un potentiel décès. «Les Français doivent bien comprendre que le chiffre de décès, qui est toujours très impressionnant, reflète finalement des contaminations qui sont survenues il y a plusieurs semaines», rappelait ainsi Jérôme Salomon le 30 mars.
Il faut également, désormais, ajouter à ce total des morts à l’hôpital celui des décès dans les Ehpad (2028, selon les dernières données partielles de samedi). Mais la manière dont ce chiffre a été communiqué empêche d’y voir un indicateur de la progression de l’épidémie. Ainsi, le nombre de décès en Ehpad, faute de remontées, a d’abord été éludé du débat. Depuis jeudi, des chiffres sont enfin donnés. Ils correspondent à une estimation (en cours) du total des morts dans les établissements depuis le début de la crise sanitaire. Sans qu’il soit possible de savoir à quelles dates les décès sont survenus, ni donc de se faire une idée de l’évolution de leur nombre dans le temps.
Dans quels délais peut-on envisager une amélioration sur le front des décès en France? Difficile à dire. En Chine, suite à la mise en place de la quarantaine, une douzaine de jours avaient été nécessaires avant de pouvoir observer une stabilisation du nombre de nouveaux cas chaque jour, et environ 10 jours supplémentaires pour arriver au pic/plateau du nombre de décès quotidiens. Soit trois semaines en tout, et autant, ensuite, pour faire redescendre la courbe. Mais le confinement y était alors beaucoup plus strict qu’en France.
Ecoutez le podcast hebdo des coulisses de CheckNews. Cette semaine : Les Italiens et les Espagnols comptent-ils mieux leurs morts liés au Covid-19 que la France ?